L’aire marine protégée
La définition internationale du concept d’aire marine protégée est très large. Celle de l’organisation non gouvernementale de l’Union Internationale pour la conservation de la nature (IUCN) stipule que ce doit être « un espace géographique clairement défini, reconnu, spécialisé et géré par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, visant à assurer la conservation à long terme de la nature et des services écosystémiques et valeurs culturelles qui y sont associés ».
Cette définition peut induire différentes interprétations. La principale concerne le niveau de protection requis et notamment le contrôle de la prédation humaine au sein d’une aire marine protégée. Quel est le niveau de limitation de la prédation nécessaire pour la reconnaissance d’une aire marine protégée ? Cette notion de limitation est fondamentale car si la ressource halieutique (poissons, crustacés, mollusques) de l’écosystème protégé est prélevée sans limites, cela déstabilise l’ensemble de l’écosystème favorisant certaines espèces au détriment d’autres : l’état naturel est déstructuré et non protégé !
La définition ainsi ambigüe d’une aire marine protégée se traduit par des interprétations différentes selon les pays riverains de la Méditerranée. Le statut des sites Natura 2000 dans les pays européens de la Méditerranée en est un exemple : en Italie, en Espagne et en Grèce les sites Natura 2000 ne sont pas répertoriés comme étant systématiquement des aires marines protégées ; par contre en France tous ces espaces le sont (loi n°2006-436 du 14 avril 2006 – Journal officiel du 15 avril 2006). En savoir plus.
De même, en France, des zones bien protégées depuis le début des années 1970 (des cantonnements, des concessions ou réserves de pêche) ne sont pas considérées comme des aires marines protégées définies par la loi. Elles n’ont pas été répertoriées par l’Agence française pour la biodiversité (intégrant l’ex-Agence des aires marines protégées) dépendant du ministère gérant aujourd’hui l’environnement et la mer alors que la plupart des zones non considérées (cantonnements, concessions …) ont été mises en place lorsque les ministères de la mer et de l’environnement étaient séparés.
Nous pouvons donner une définition plus scientifique et pragmatique d’une aire marine protégée : c’est une zone géographiquement bien définie, reconnue et consacrée où une protection est appliquée pour préserver un large ensemble d’espèces (toutes les espèces halieutiques ou l’ensemble de la biodiversité de l’écosystème et leur biotope). La limitation juridique de la prédation humaine (pêche) doit y être déclinée par niveaux appropriés (toutes formes de pêches interdites, catégories de pêcheurs exclus, limitation du nombre de prises ou de poids). L’objectif est de préserver, sur un très long terme, l’intégrité biologique et géographique de la zone protégée et de privilégier la recherche d'un « effet réserve » sans porter atteinte à la pêche professionnelle traditionnelle.
Dans l’ensemble du site MEDAMP c’est cette définition que nous retenons.
Le concept idéal d’une aire marine protégée est un espace géographique allant du rivage (ce sont les petits fonds les plus menacés par la prédation humaine et par le grignotage des aménagements construits sur la mer) au large, comprenant une zone de non prélèvement (zones appelées souvent "réserves intégrales") entourée d'une ou de plusieurs zones dites "tampon" où les interdictions de pêche sont moins contraignantes (avec un gradient décroissant de la réglementation en s’éloignant de la zone de non prélèvement). La chasse sous-marine doit toujours être exclue de ces zones tampons.
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Considérations générales sur les données MEDAMP par rapport aux objectifs internationaux de protection du milieu marin à atteindre
La France s’est fortement engagée au niveau international pour améliorer la protection de la biodiversité marine. Cela à travers différentes conventions et dispositions ; les plus importantes sont :
- le soutien au plan stratégique pour la biodiversité de la convention sur la diversité biologique (Convention on Biological Diversity - CBD), qui repose, entre autre, sur l’adoption des objectifs d’Aichi ( l’Aichi target 11 https://www.cbd.int/sp/targets/ ).
- l’adoption de l’Agenda 2030 pour le développement durable des Nations Unies (UN) et ses 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) = Sustainable Development Goals (SDG), (http://www.un.org/sustainabledevelopment/oceans/ ).
Ces deux dispositions engagent les pays contractants à protéger efficacement et équitablement 10% de leurs eaux territoriales avant 2020.
Si un certain nombre des pays (parmi eux la France), ont déclaré avoir atteint ou même dépassé une protection de 10% des surfaces de leurs eaux territoriales le point concernant une protection « efficace et équitable » demeure souvent non vérifié. Dans ce sens l’objectif principal d’Aichi, bien décrit dans le texte officiel (protéger efficacement et équitablement 10% des eaux territoriales avant 2020), n’est pas atteint.
En fait le point crucial concerne la définition du terme « protégé ». La science a clairement démontré que la réponse des écosystèmes aux réelles mesures de protection (l’effet réserve) est flagrante dans les zones strictement protégées où toutes les activités extractives et destructrices sont interdites (sauf pour des besoins scientifiques) ; l’accès y est interdit dans certains cas. Ces zones de non prélèvement sont également appelées réserves intégrales (« no take area » pour les anglo-saxons). Dans les définitions des niveaux de protection proposées par MEDAMP, ces zones sont de niveau I (elles bénéficient de moyens spécifiques de surveillance) ou III (sans moyens spécifiques de surveillance).
Concernant les zones partiellement protégées, il s’agit de surfaces marines où des usages sont interdits, entre autres certaines catégories de pêcheurs (ou certaines de leurs pratiques) peuvent être interdites, réglementées ou autorisées. Leur rôle est de concilier l’exploitation des ressources marines et de soutenir le développement socio-économique avec la sauvegarde de la biodiversité en adoptant des pratiques durables. Ces zones partiellement protégées sont aussi appelées « zones tampon » et leur efficacité est nettement inférieure aux zones strictement protégées (PISCO et UNS, 2016 ; http://www.piscoweb.org/science-marine-protected-area-med ). Dans les définitions MEDAMP des niveaux de protection, ces zones sont de niveau IV à VII (elles bénéficient toutes de moyens spécifiques de surveillance).
De notre point de vue une protection « efficace » idéale n’est vérifiée que dans les zones de non prélèvement surveillées spécifiquement par des agents commissionnés (assermentés) - de Niveau I selon notre classification. Pour répondre au qualificatif d’« équitable » ces zones doivent être entourées de cercles concentriques de zones tampons réservées en premier lieu aux pêcheurs professionnels (pêche traditionnelle non industrielle) puis aux différentes catégories de pêcheurs de loisir avec des contraintes plus ou moins fortes. Elles devraient aussi être bien réparties dans les tranches bathymétriques en privilégiant les petits fonds entre 0 et – 50 m (les plus vulnérables et les plus utilisés par différentes catégories de sociaux professionnels et de touristes).
Lors d’un congrès réunissant les gestionnaires de la plupart des aires marines protégées de Méditerranée (le forum 2016 des Aires Marines Protégées) tenu à Tanger en décembre 2016, ce problème de l’objectif à atteindre des conventions d’Aichi et des Nations Unies a été évoqué. La notion de définition d’aire marine protégée efficacement y a été débattue. Constatant que pour la plus part des pays la seule protection efficace est représentée par les zones de non prélèvement (no take areas – de Niveau I) et sachant qu’elles représentent actuellement moins de 0,1% des surfaces des eaux territoriales de l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée (PISCO 2016) une déclaration solennelle a été votée à l’unanimité par les 300 participants : un objectif de 2% des eaux territoriales de chaque pays riverain de la Méditerranée devrait être mis en zone de non prélèvement d’ici 2020 (voir la déclaration de Tanger : http://www.medmpaforum.org/sites/default/files/cp_declaration_de_tanger_2016.pdf ).
La base de données MEDAMP permet de calculer avec précision les taux de protection des côtes françaises de la Méditerranée. Ces données démontrent que nous sommes en 2017 très loin des objectifs à atteindre puisque les zones de Niveau I ne représentent que 0,62% de la surface de la tranche bathymétrique 0- /-50m initiale (déjà réduite de 1 % par près de 1000 constructions gagnées sur la mer). Si on considère les eaux territoriales, le pourcentage des zones de non prélèvement ne représente plus que 0,1 %.
Dans les surfaces cumulées de Niveau I, une vaste zone créée récemment dans le parc national des Calanques se situe autour de la zone de déversement des résidus de l’usine d’alumine de Gardanne (le Canyon de Cassidaigne) et une autre autour du plus grand émissaire urbain des côtes françaises de la Méditerranée où les eaux, plus ou moins bien épurées, se déversent en surface (dans la zone de non prélèvement de l’archipel du Riou). Si on déduit de la surface globale des zones de niveau I ces deux zones peu propices à la défense de la biodiversité de zones naturelles, le taux de protection de la tranche bathymétrique 0/-50 m des côtes françaises de la Méditerranée tombe à 0,44 % et celle des eaux territoriales à 0,055%.
Si on ajoute aux surfaces de non prélèvement surveillées spécifiquement (Niveau I) les surfaces de non prélèvement ne bénéficiant pas d’une surveillance spécifique (Niveau II) et les surfaces protégées où une surveillance spécifique est organisée avec des interdictions ou réglementations importantes de la pêche (interdiction d’une catégorie de pêcheurs ou limitation du nombre d’une catégorie de pêcheurs : niveaux IV à VII réunis) ; le cumul de ces surfaces de non prélèvement et de réglementation importante de la pêche avec surveillance spécifique (zones partiellement protégées), que l’on pourrait assimiler aux caractéristiques souhaitées par les objectifs des conventions internationales, correspond à un taux de protection de 3,26 % pour la tranche bathymétrique 0/-50m et 0,368% des eaux territoriales.
Il nous semble évident que les termes d’ « efficace » et d’ « équitable » ne peuvent être considérés pour qualifier des vastes zones situées pour certaines bien au-delà de la mer territoriale, aux confins de la zone économique exclusive française, où aucun moyen juridique et humain ne sont mis en œuvre pour réellement protéger l’intégrité de la biodiversité marine. De ce fait nous considérons que les zones que nous avons classées dans les niveaux VIII et IX ne peuvent être comptabilisés dans les objectifs des conventions internationales.
Par ailleurs, la base de données MEDAMP donne le taux de recouvrement des aires marines protégées et des réserves de pêche (par exemple la surface cumulée des 36 sites Natura 2000 en mer est couverte à plus de 50% par d’autres aires marines mieux protégées). Dans les objectifs à atteindre, il faut tenir compte de ces recouvrements et ne pas additionner des surfaces de zones géographiques identiques.
A trois ans de l’échéance des objectifs à atteindre par les accords internationaux, il semble urgent de renforcer partout un véritable maillage de zones marines protégées « efficaces et équitables » donc de Niveau I ou II (zones de non prélèvement) entourées de zones tampons concentriques (Niveaux IV à VII) où les pêcheurs professionnels seraient privilégiés (zone réservée autour des zones de non prélèvement) et les pêcheurs de loisir autorisés avec des contraintes de moins en moins fortes en périphérie des zones de non prélèvement. Ces zones réellement protégées de façon efficace devraient aussi être bien réparties dans les tranches bathymétriques en privilégiant la protection des petits fonds entre 0 et – 50 m (les plus vulnérables et les plus utilisés par différentes catégories de sociaux professionnels et de touristes). Les moyens humains et matériels pour la surveillance sont fondamentaux pour garantir les différents niveaux de protections. Enfin, la communication et l’homogénéisation des chartes graphiques des différentes aires marines protégées et réserves de pêche doivent aussi être sensiblement améliorées.
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VI - Des zones encore plus étendues sans aucune réglementation spécifique restreignant la prédation. Ce sont ainsi des zones plus « co-gérées » que protégées. Il s’agit des 42 zones Natura 2000 et des deux parcs naturels marins (Niveau IX)
- Taux de protection entre 0 et -10 m : 61,49 % ( Sud-PACA : 44,60 %, Occitanie :79,20 %, Corse : 64,95 % ).
- Taux de protection entre -10 et -20 m : 58,78 % ( Sud-PACA : 48,61 %, Occitanie : 62,63 %, Corse : 69,31 % ).
- Taux de protection entre -20 et -50 m : 35,85 % ( Sud-PACA : 14,84 %, Occitanie : 30,56 %, Corse : 67,02 % ).
- Taux de protection entre -50 et -100 m : 64,27 % ( Sud-PACA : 13,93 %, Occitanie : 93,62 %, Corse : 33,87 % ).
- Taux de protection des eaux territoriales par région : Sud-PACA : 11,33 %, Occitanie : 47,06 %, Corse : 54,65 % .
V - Des zones immenses incluant des surfaces importantes de grands fonds à réglementation très faible (Niveau VIII)
- Taux de protection entre 0 et -10 m : 10,85 % ( Sud-PACA : 21,28 %, Occitanie :0,00 %, Corse : 8,65 % ).
- Taux de protection entre -10 et -20 m : 11,67 % ( Sud-PACA : 24,16 %, Occitanie : 0,00 %, Corse : 6,46 % ).
- Taux de protection entre -20 et -50 m : 10,21 % ( Sud-PACA : 31,83 %, Occitanie : 0,00 %, Corse : 8,79 % ).
- Taux de protection entre -50 et -100 m : 12,43 % ( Sud-PACA : 34,71 %, Occitanie : 0,00 %, Corse : 28,16 % ).
- Taux de protection des eaux territoriales par région : Sud-PACA : 29,60 %, Occitanie : 0,00 %, Corse : 5,53 % .
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